J’ai fait ce rêve…
Aujourd’hui, j’aimerais vous partager l’histoire d’un de mes patients. J’ai envie de vous partager un bout de son histoire. Pour tout vous dire, c’est une demande de sa part. J’ai plutôt envie de dire que c’est un cadeau.
Je considère ce bout d’histoire et surtout ce qu’est devenu cet homme comme un cadeau.
J’ai une profonde gratitude pour sa démarche.
Il est venu au cabinet avec un grand sourire, les yeux gorgés de larmes. Il m’a donné cette lettre. « Voilà, vous avez raison. Les secrets sont bien trop lourds. Il doivent être partagés ».
Voici son bout d’histoire
Ce rêve
« Je me suis souvenu… Un peu.
Ce matin-là, je me suis réveillé avec une drôle d’impression : je me souvenais de mon rêve avec le sentiment que je ne devrais pas.
Depuis très longtemps je fais ce rêve. Ce cauchemar.
Depuis presque aussi longtemps que je me souvienne. Un cauchemar duquel je ne peux pas me réveiller seul. Je sais que je rêve, je l’ai fait si souvent, je le connais par cœur.
Mais je ne peux pas me réveiller tout seul. Un déroulé, toujours le même. Seuls le lieu de la scène et les acteurs changent à chaque fois. Un fil rouge est toujours là. Et quand je m’approche du pire moment, je crie en espérant qu’on me réveillera.

À mon réveil
J’oublie tout, instantanément.
Un jour j’ai voulu me souvenir, je voulais savoir.
J’y avais mis toute ma volonté, toute ma force. Et je m’étais souvenu. Très rapidement, volontairement, consciemment, j’ai accepté d’oublier à nouveau.
Mais ce matin-là, c’est différent. Je me suis souvenu sans effort. Par contre je sais que cette pièce qui s’est rejouée ne s’est pas terminée comme d’habitude… Il manque encore tout un acte.
Il manque encore tout un acte à ce rêve
Je suis au travail, en réunion cette fois-ci.
Précédemment j’ai été chez moi, au lycée, en vacances… L’important c’est que ce soit un environnement du quotidien.
Je suis donc entouré de personnes que je connais qui me sont familières. À côté de moi un homme séduisant, que j’apprécie et que je respecte beaucoup.
Au fil de cette réunion, une proximité physique s’installe, un contact physique. Ça ne me déplaît pas. J’en tire même un certain plaisir.
La vie normale continue autour de moi, le monde tourne toujours et personne ne se rend compte que ses mains ont commencé à se poser sur moi.
Je suis toujours bien, je ressens du plaisir. Même si ce contact est à sens unique.

Mais je connais la suite de ce rêve.
Je sais ce qui m’attend. Sa main entre dans mon pantalon. Une douleur irradiante, de ma hanche à ma nuque, surgit avec un malaise très fort.
Cette douleur que je connais très bien, je l’ai ressentie dans la vie réelle durant des années lorsqu’on me touchait…
Elle a fini par disparaître, mais avait vraiment compliqué mes premières amours, sans que je sache d’où elle venait.Le monde tourne toujours. Un mélange de douleur et de plaisir est là. J’aime et je déteste en même temps.
Et là ça s’emballe, on se retrouve au sol, lui derrière moi. Il m’enserre, m’emprisonne de ses bras. Un animal dont je sens le sexe dur contre moi et qui me tient captif de ses bras, gouvernés par son seul désir.
« Tu penses vraiment que je vais te laisser faire ? ».
Voilà que je l’interpelle, sûr de moi. C’est drôle. Ça n’était jamais arrivé. L’histoire que j’attendais passivement change, et je réagis, je suis inhabituellement actif.
J’attrape ses poignets de mes mains, aujourd’hui ce sont celles d’un homme fort. Et de toute cette force, doucement, tranquillement, irrésistiblement, je desserre son emprise.
De mon judo, dont j’en ai aujourd’hui les bases, je le projeter au-dessus de mon dos. Je suis totalement libre.
C’est terminé. Le pire ne se passera pas. Le monde tourne toujours. La réunion se termine et je rejoins une personne en qui j’ai confiance, qui sait ce qu’il s’est passé.
« Au moins comme ça tu sais ce que les femmes subissent avec toutes ces agressions sexuelles ».
Cette scène là est restée. Avec le sentiment que je dois à jamais enterrer ce qu’il s’est passé.
Avec la honte.
Et ce sentiment de ne pas être légitime de me plaindre. Aujourd’hui encore, en écrivant ces lignes, je ne sais pas si je détruirai ce texte une fois terminé.
Je me réveille. Dans ce monde que j’aime. Qui m’a donné toute cette force. Et je pense à ces femmes que j’admire, qui ont vécu le viol et qui se reconstruisent.
Sans savoir qu’elles me reconstruisent aussi.
Aujourd’hui des questions me travaillent…
reverrai-je ce dernier acte de douleur, ou l’ai-je détruit ? Pourquoi ce rêve ? L’ai-je vécu ? L’ai-je vu ? L’ai-je entendu ?
Je ne me souviens de rien. Je n’ai que ce bout de rêve, auquel je refuse de croire. »